
Hiromédion
On aurait pu penser qu’Hiromédion était un jeune homme ordinaire mais la suite de cette histoire nous montrera qu’il n’en était rien.
Tout bébé, il fut recueilli sur les marches d’un temple par une vieille femme, Manihouri, qui l’éleva dans le droit chemin, dans le respect et la crainte des dieux. Hiromédion avait grandi. C’était désormais un beau jeune homme, fort, aux yeux verts qui jouait de la lyre pour le plus grand plaisir de Manihouri. Des boucles brunes bien définies lui encadraient le visage. L’une d’entre elles,
plutôt rousse, semblait s’embraser au milieu de son front au coucher du soleil.
Un jour qu’il rentrait à la maison, il vit deux hommes attaquer Manihouri, sans doute pour la voler. Son sang ne fit qu’un tour, il s’élança à son secours, étendit le bras pour frapper l’un des deux malfaiteurs : une flamme jaillit de l’extrémité de ses doigts et brûla les cheveux du voleur. Pris de peur, l’homme s’enfuit, suivi de son compagnon. Malgré sa profonde stupeur, Hiromédion s’agenouilla auprès de Manihouri, blessée.
- Je sens la mort approcher, mon petit, lui confia-t-elle, je ne t’ai jamais dit qu’un rêve mystérieux m’avait conduite sur les marches du temple auprès de toi. A l’intérieur de tes langes, on avait dissimulé une bague très précieuse que j’ai rangée dans le vase sur le manteau de la cheminée.
A ces mots, elle rendit son dernier souffle. Hiromédion, fou de douleur et de rage, jura de découvrir l’origine de ce bijou et de retrouver les deux malfaiteurs pour se venger. Il examina longuement la bague pour qu’elle lui révèle son secret, il ne reconnut que la lyre (son instrument tant aimé), la plus célèbre, celle du dieu Apollon. Il y vit un signe, il se rappela les flammes qui avaient jailli de ses doigts et ne put s’empêcher d’établir un rapport entre le dieu et lui.
Hiromédion se rendit à Delphes pour collecter des indices, interrogea les artisans parmi les orfèvres au sujet de la fabrication de son bijou. Ils s’accordaient tous à dire que cette bague ne pouvait être que l’œuvre d’Héphaïstos, qu’aucun joaillier ne serait capable de créer une telle merveille.
Hiromédion courut au temple et s’adressa à la grande prêtresse qui n’avait que très rarement ressenti une telle émotion devant un simple visiteur. Cette dernière se sentit mal, Hiromédion appela de l’aide : deux hommes accoururent. A leur vue, son sang ne fit qu’un tour, il étendit les bras, une flamme fatale jaillit sur les deux meurtriers de Manihouri, les brûla vifs : ils moururent dans d’affreuses souffrances.
La prêtresse hurla, appela les gardes et fit emmener Hiromédion, enchaîné, devant le Prince de Delphes, gouverneur cruel et vil. Ce dernier appela deux de ses esclaves Nahirella et Marcuus et les pria d’aller jeter le prisonnier dans un cachot. En chemin, les doigts d’Hiromédion se mirent à chauffer et consumèrent ses liens. Libéré, il se rua sur Marcuus et lui serra le bras autour du cou. Il menaça Nahirella mais celle-ci gardait les yeux fixés sur la bague, bouche bée.
- Cette bague… d’où la tiens-tu ? demanda-t-elle d’une voix blanche. Je n’aurais jamais cru la revoir un jour. Qui es-tu ? Pour échapper à la fureur du Prince, j’ai dû laisser mon cher bébé sur les marches du temple d’Apollon et son père s’est occupé de lui trouver une nourrice.
Hiromédion se souvint des dernières paroles de Manihouri et sentit une étrange sensation l’envelopper. Comprenant qu’elle était face à son fils, Nahirella lui apprit qu’Apollon était son père.
Toutes les pièces du puzzle s’assemblèrent, Hiromédion, avant même de se jeter dans les bras de sa mère, courut dans la salle du palais et envoya toute sa fureur sur le Prince de Delphes. Inutile de dire que ce seigneur s’embrasa, que sa fin fut applaudie par tout le peuple opprimé.
Hiromédion fut acclamé, on le poussa à monter sur le trône. Apollon descendit de l’Olympe pour appuyer le règne du nouveau Prince de Delphes.